L’hiver dernier, une série télé a captivé le Québec. Fugueuse mettait en scène une adolescente de bonne famille habitant la banlieue montréalaise, qui tombait amoureuse d’un proxénète et se faisait entraîner dans un réseau de prostitution.
Ce qui m’a fasciné dans cette histoire, c’est la manière dont cette jeune femme, Fanny, continuait, malgré les lumières rouges qui s’allumaient régulièrement devant elle, à persister à croire au scénario auquel elle voulait croire.
Bien sûr, le proxénète, aguerri, était habile et rusé. Toutefois, positionner Fanny comme une simple victime de ce manipulateur me semble réducteur et surtout, ne permet pas de reconnaître le pouvoir dont elle a toujours disposé tout au long de l’aventure.
En effet, Fanny recevait quantité de signaux qu’elle choisissait d’ignorer afin de ne pas mettre fin au scénario de conte de fées qu’on lui faisait miroiter et qu’une partie d’elle décidait d’écouter.
Fanny avait des amis, une famille aimante (et « imparfaite », comme toutes les familles !) et elle suivait le cursus scolaire sans difficulté apparente. Comme toutes les jeunes filles, Fanny avait des rêves. Elle voulait danser (même nue), elle voulait plaire et être aimée (même par un homme qui l’utilisait) et elle voulait s’émanciper, acquérir l’aisance financière pour prendre son envol et ses distances de sa famille (même au prix de sa dignité).
À de nombreuses reprises, elle a fait fi de son ressenti (comment elle se sent à l’intérieur), de son intuition (la petite voix), pour avoir ce qu’elle voulait obtenir (et dont elle croyait manquer, bien sûr).
Viols, mensonges, promesses tantôt illusoires, tantôt rompues, menaces, les évènements se sont succédé sans que Fanny les intègre comme des faits susceptibles de modifier ses idées, ses objectifs.
Son entourage voyait ce qu’une partie d’elle choisissait d’ignorer et tentait de la mettre en garde, mais elle ne l’écoutait pas non plus.
Fugueuse m’est apparue comme une caricature de la prison dans laquelle nous enferme l’égo lorsqu’il nous possède.
Nous voulons quelque chose et nous choisissons délibérément d’ignorer toute autre information qui viendrait contredire notre objectif.
Ce processus a cours sans cesse, à différents degrés, dans tous les domaines de notre vie. Mais il est difficile, parfois, d’accepter qu’il existe. Car alors, nous perdrions la face. Notre château de cartes s’écroulerait.
Nous sommes tous capables, rétrospectivement, de percevoir qu’à certains moments dans le passé, nous avons fait preuve d’aveuglement volontaire. Pour ne pas avoir à avouer que nous avions fait fausse route. Pour ne pas avoir à renoncer à un rêve que nous avions et qui, malgré notre volonté, ne résistait pas à l’épreuve de la « réalité » qui défilait.
Oui, nous voulions de ce conte de fées, mais la réalité était toute autre : le rêve se désintégrait au fil des expériences vécues et ressenties.
Il y a une grande différence entre vivre ses rêves et vivre dans ses rêves.
Vivre son rêve implique que ce rêve soit réel. Pas imaginaire, pas juste dans notre tête.
Il est rare qu’un rêve qui vous est cher soit vécu instantanément. Le plus souvent, cela a nécessité des efforts, de la patience, du temps, de la persistance, de la cohérence.
Souvent, des pré-rêves se présenteront à vous, c’est-à-dire des versions atténuées, préliminaires, de votre rêve. Un peu comme le premier jet d’un roman. Le texte est prometteur, soit, mais que de réécritures à faire encore ! À force d’être peaufiné, relu, révisé, il deviendra ce que vous aviez en tête, et souvent même, bien mieux que ce qui avait germé dans votre esprit à l’origine.
Vous devez constamment arrimer vos rêves avec la réalité. Et vous laisser guider par vos rêves, afin d’amener, par vos actions, votre attention, vos efforts, la réalité à devenir ce que vous aspirez voir se réaliser.
Cela demande du courage, de la foi et une bonne dose de pragmatisme ! Surtout, cela demande de ne pas demeurer dans le piège de l’égo qui vous invite à prendre vos rêves pour la réalité, à vous voiler la face (et le cœur) en vous disant que vous vivez ce rêve malgré les signes que la réalité vous envoie.
Ces signes vous parviennent par le biais des ressentis qui surviennent sur le chemin menant à vos rêves :
Tous nos ressentis sont justes. C’est la sélection que nous en faisons qui détermine nos choix d’action.
Durant son aventure, Fanny ne se sent pas bien. Elle est meurtrie physiquement et émotionnellement. Mais elle continue de jouer son scénario dans sa tête et de négliger ces signaux internes.
Elle pourrait choisir de poser des actions pour faire en sorte que ses rêves d’amour et d’émancipation deviennent réalité, en accord avec son ressenti : continuer à danser dans sa troupe scolaire, porter attention aux gestes d’amitié et d’amour que lui démontre son entourage, apprécier le fruit de son travail à temps partiel et l’argent que celui-ci lui apporte, etc.
Mais elle en veut plus, et plus vite.
Bien sûr, elle est prise dans un engrenage – un réseau de prostitution éprouvé – et plus elle s’enfonce, plus il devient difficile de s’en extirper.
Toutefois, dès le début de son histoire, une partie d’elle est parfaitement consciente que quelque chose n’est pas « normal » et elle dissimule ces éléments factuels à son entourage et à elle-même.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de lui jeter la pierre et de minimiser les stratégies du proxénète, mais plutôt d’illustrer que dans tous les cas, nous recevons TOUJOURS des signaux de notre intérieur pour nous alerter que quelque chose ne va pas.
Nous avons toujours le choix d’écouter, ou bien de « faire à notre tête ».
Si les mêmes problèmes reviennent sans cesse dans votre vie, sous diverses formes, pourquoi ne pas tenter de faire un choix différent : écouter la petite voix de votre ressenti et, courageusement, vous diriger vers votre rêve en empruntant un nouveau chemin ?