Il existe une prophétie amérindienne selon laquelle l’aigle symbolise la société matérialiste axée sur le développement scientifique et technologique, tandis que le condor représente le cœur, la société spirituelle intégrée dans son environnement naturel.
Les peuples du nord de l’Amérique sont associés à l’aigle – d’ailleurs le symbole états-unien – alors que ceux du sud sont représentés par le condor.
D’après cette légende, le monde est régi par des cycles de 500 ans dominés en alternance par l’aigle et le condor. Le dernier cycle aurait commencé à la fin du 15e siècle, au moment de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Durant cette période, l’aigle devait régner, entraînant déséquilibres et conflits sur le continent américain et la quasi-extinction du condor.
Avant la fin du cycle, et donc à notre époque, la prophétie veut que de grands changements surviennent et que l’aigle et le condor volent ensemble dans le même ciel.
Les peuples du sud sont ceux qui vivent proches de la terre, avec un savoir-être qui provient de la connexion avec la nature. Ils évoluent à partir de leurs cœurs et à travers leurs sens. Ils détiennent une profondeur intérieure et une sagesse qui est l’expression de leur puissant rapport avec leur environnement ; ils sont spirituellement riches, mais matériellement pauvres.
De nos jours, les forces de développement global mettent en péril leur milieu de vie duquel ils dépendent pour leur subsistance physique et spirituelle. Ils ont à apprendre comment acquérir et accroître le côté intellectuel de l’aigle.
Selon la prophétie, nous sommes au commencement du 5e pachacuti[1], l’ère où le condor s’élèvera à nouveau et volera aile contre aile dans le même ciel que l’aigle, alors que le monde retrouvera son équilibre.
C’est une période annonciatrice de partage, d’amour et de guérison, une transition menant au-delà du conflit et du tumulte, vers des voies plus respectueuses de la Terre. Cette époque comporte des risques, le condor n’oubliant pas la domination de l’aigle et l’aigle devant apprendre à modifier sa conduite pour soutenir la restauration de l’équilibre.
Est-ce que cette légende trouve une résonance en vous ? Percevez-vous le condor et l’aigle dans votre Être, qui tentent de renouer l’un avec l’autre ?
Le condor, c’est la partie à l’intérieur de vous qui paraît savoir ce qui est vrai, ce qui est bon. C’est la petite voix. Bien que juste, elle semble plutôt dépourvue dans le monde physique, comme si elle n’était qu’évanescence et qu’elle avait besoin de l’autre partie, de l’aigle, pour exister concrètement.
L’aigle permet de matérialiser les aspirations de votre cœur dans la réalité. C’est votre esprit, votre mental, vos facultés intellectuelles.
À l’intérieur de vous, ces deux pôles s’expriment tout à tour. En êtes-vous conscients ?
Notre époque, manifestement, en est une de transition. Le phénomène de réveil que nous vivons a été prédit par plusieurs, dont l’écrivain André Malraux, à qui on attribue la phrase : « Le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas ».
Dans tout l’hémisphère nord, nous devenons progressivement plus sensibles à l’écoute de notre voix intérieure. Nous apprenons à lui laisser plus d’espace. Au lieu de faire la sourde oreille et d’être dans le faire, l’agir, la réalisation physique, nous sommes de plus en plus à l’écoute ce qui se passe à l’intérieur. Pour ensuite agir, en harmonie avec la petite voix.
De plus en plus, l’humain est en mesure de se reconnecter avec son pouvoir intérieur, l’écoute de son ressenti et la prise en charge de sa vie. L’émergence d’une nouvelle conscience à la fois planétaire et individuelle permet la reconnexion intérieure et l’expression de talents et de capacités qui étaient latents : intuition, ressenti, télépathie, guérison, communication avec d’autres plans, d’autres dimensions. Tout cela est en train de nous transformer profondément.
Des exemples concrets de ces changements sont apparus et seront de plus en plus fréquents. Des scientifiques s’ouvrent aux médecines parallèles, écrivent des livres et prononcent des conférences sur les expériences de morts imminentes, l’effet placebo, les guérisons que la science n’explique pas. L’occident découvre ou redécouvre les médecines et les philosophies orientales, la sagesse des Anciens.
Dans le métro, vous asseyez-vous toujours au même endroit ? Et à table ? Pour aller au bureau, empruntez-vous chaque jour le même chemin ? Faites-vous vos courses au même supermarché depuis des années ?
Les habitudes, le confort, la routine, le connu, cela comporte une part de rassurance, n’est-ce pas ? A priori, le changement n’est pas toujours confortable. On doit trouver de nouveaux repères, de nouvelles habitudes. Le changement demande de s’adapter. De fournir quelques efforts.
Le changement est pourtant inéluctable. C’est dans la nature des choses d’évoluer. Rien ne reste figé.
L’immobilité, c’est la mort. La vie, c’est un mouvement perpétuel.
Une fleur n’est pas éternelle.
Un arbre bourgeonne, fleurit, perd ses feuilles, renaît. Grandit. Évolue. S’adapte.
Sur Terre, il n’y a que l’humain qui aspire à l’immobilité. Car son ego voit dans ce qu’il connaît la sécurité. Il tend à maintenir, à reproduire, à contrôler ce qu’il connaît. L'ego n’aime pas les surprises, la nouveauté.
Dans votre tête, d’innombrables sillons ont été tracés depuis votre naissance et portent l’étiquette « connu ». Ce sont les chemins que vous avez déjà parcourus dans le passé et qui ont été étiquetés par votre mental comme menant soit au bonheur, soit au malheur.
Lorsque vous créez un nouveau chemin, votre esprit s’affole, car il ne sait pas dans quelle catégorie placer cette nouvelle route : est-elle « bonne » pour vous ou non ? Dans le doute, il vous incite à demeurer sur les sentiers déjà balisés.
Or, avez-vous remarqué que l’humain est en perpétuel mouvement ? Il n’est pas statique, figé. Votre corps évolue sans cesse. Vos cellules se renouvellent constamment, vous respirez de l’air que vous transformez en carburant, vous contactez des idées, des images, des sons qui modifient vos états émotionnels, vous absorbez des aliments, vous bougez, bref, vous êtes continuellement en train de changer.
Le processus intellectuel a beaucoup de vertus. Mais aussi, il fragmente, sépare et catégorise. Si vous suivez exclusivement ce canal pour faire des choix, pour trouver des solutions à vos problèmes personnels, vous évoluez en vase clos. Vous cheminez à l’intérieur d’un cercle qui ignore des éléments extrêmement riches, pertinents, voir essentiels à la solution.
En intégrant à votre vision du monde ses aspects intangibles, ressentis, inexplorés, le condor en vous, vous vous permettez l’accès à tous les possibles. Vous participez à la danse de réconciliation entre l’aigle et le condor.
Lorsque vous osez explorer des sentiers inconnus, ceux qui vous sont inspirés par le condor en vous, vous entrez en résonance avec la vie.
Ce mouvement est irrésistible. Ultimement, il est vain de vouloir aller contre le courant, car le courant emporte tout. Tôt ou tard, le flot de la vie reprend son cours, les barrages tombent et la rivière retrouve son lit et son rythme naturel.
Dans cette démarche de réconciliation entre les deux oiseaux en vous, la perfection n’est pas requise. L’intention pure et sincère suffit pour avancer vers la découverte de votre voix intérieure. Et ainsi changer votre vie. Et le monde.
[1] Pachacuti est un mot quechua, une langue indigène de l’Amérique du Sud, qui signifie « retournement, désordre, chaos ».
*Cet article a été publié dans le magazine Holistik, automne 2015, p.11
La réconciliation de l’aigle et du condor